Former sans forcer : comment amener les équipes à s’approprier leur développement ?
Dans un monde du travail en évolution rapide, les professionnels RH, managers et dirigeants cherchent à développer les compétences de leurs équipes sans tomber dans le piège de la formation obligatoire et démotivante. L’objectif : « former sans forcer » en instaurant une culture où les collaborateurs s’approprient volontairement leur développement. Cela implique de miser sur des méthodes innovantes d’apprentissage, d’intégrer les apports des sciences de l’éducation et de la psychologie, et de promouvoir un environnement propice à l’apprentissage continu.
Les nouvelles générations de salariés expriment d’ailleurs de fortes attentes en ce sens : 89 % des millenials considèrent les opportunités de développement comme très importantes dans le choix d’un emploiedflex.com. Plus globalement, près de 20 % des employés placent la possibilité d’« apprendre et grandir » comme source principale de motivation au travailedflex.com. Les entreprises ont donc tout intérêt à repenser leurs approches de formation pour répondre à ces attentes, attirer et retenir les talents. En effet, offrir des opportunités d’apprentissage régulières améliore non seulement l’engagement, mais aussi le bien-être : les salariés qui peuvent se former régulièrement se déclarent 47 % moins stressés, 39 % plus productifs et 21 % plus confiants dans leur travailedflex.com. Comment alors créer cette dynamique positive d’auto-formation ?
Dans cet article, nous explorerons des techniques de formation innovantes centrées sur la transmission informelle (mentorat, apprentissage entre pairs, communautés d’apprentissage, storytelling, etc.), en les éclairant par les sciences de l’apprentissage (neurosciences, psychologie sociale, etc.). Nous aborderons également des tendances émergentes comme le learning in the flow of work ou les nudges pédagogiques, illustrées de cas concrets. Enfin, nous proposerons des bonnes pratiques actionnables pour aider RH et managers à cultiver une formation proactive et volontaire au sein de leurs équipes.
Des approches innovantes pour apprendre autrement en entreprise
Moderniser la formation passe par des méthodes plus participatives et informelles, où chacun devient acteur de son apprentissage. Voici quelques approches éprouvées qui permettent de transmettre les connaissances sans contraindre, en misant sur la collaboration et le réel plaisir d’apprendre.
Le mentorat : transmettre l’expérience, dans les deux sens
Le mentorat, dans sa forme classique, associe un collaborateur expérimenté (mentor) à un employé moins aguerri (mentoré) pour un accompagnement personnalisé. Cette relation interpersonnelle favorise la transmission des savoir-faire tacites et le développement de l’apprenant sur la durée, dans un climat de confiance. Du côté du mentor, il ne s’agit pas d’« enseigner » de façon formelle, mais de guider, raconter son vécu, conseiller – une posture valorisante qui profite aussi au mentor lui-même, en consolidant ses propres compétences et sa capacité d’écoute.
Une variante particulièrement innovante est le reverse mentoring (mentorat inversé) qui inverse les rôles traditionnels : ici, c’est un jeune salarié qui mentore un cadre dirigeant sur un sujet où le junior excelle (par exemple le digital, les nouvelles technologies, ou les tendances d’une génération)axa.com. Ce format bouscule la hiérarchie habituelle et ouvre un échange mutuel de connaissances. AXA fait figure de pionnier en la matière avec son programme de mentorat inversé lancé en 2014 pour acculturer ses dirigeants au numérique : en binômes d’un “digital native” et d’un manager, quelques séances informelles permettent aux leaders de se familiariser avec les réseaux sociaux, les outils numériques et la culture digitaleaxa.comaxa.com. Deux ans après, le bilan était très positif : 97 % des participants (mentors et mentorés) recommandaient le programmeaxa.com. Ce succès illustre à quel point un dispositif volontaire, personnalisé et bienveillant peut accélérer une transformation des mentalités, sans obligation descendante.
Le mentorat – classique ou inversé – apporte de multiples bénéfices organisationnels. En rapprochant des collègues de générations ou de métiers différents, il renforce la cohésion et la compréhension mutuelle. Des études soulignent qu’un programme de mentoring bien conçu booste l’engagement et la fidélisation : par exemple, le reverse mentoring est considéré comme un outil efficace pour retenir les talents (notamment les milléniaux), tout en créant un environnement d’apprentissage stimulant et une culture d’entreprise positivechronus.com. On constate également un impact sur la diversité et le leadership : chez le cabinet Linklaters, des duos de reverse mentoring ont permis aux dirigeants de mieux appréhender les enjeux de diversité en écoutant le vécu de collaborateurs plus juniorschronus.com. En somme, mentorat et mentorat inversé reposent sur le volontariat et l’échange – les deux parties apprennent l’une de l’autre – ce qui correspond parfaitement à l’idée de former sans forcer. Le rôle des RH sera de faciliter ces rencontres (par un programme structuré, du temps alloué, un matching pertinent des mentors/mentorés) tout en laissant aux duos la liberté d’orienter leurs discussions selon leurs besoins.
L’apprentissage par les pairs et les communautés d’apprentissage
Une autre façon de diffuser les savoirs en mode « horizontal » est de s’appuyer sur les pairs. Le peer learning (ou formation entre pairs) encourage les employés à apprendre les uns des autres en partageant directement leurs compétences, expériences et bonnes pratiquesskills.hrskills.hr. Cette approche collaborative présente un avantage évident : les participants deviennent acteurs de leur formation et se nourrissent mutuellement, ce qui crée un engagement bien supérieur à une session descendante. En effet, on apprend souvent mieux en interagissant avec les autres que tout seulmanagementdelaformation.fr – un constat appuyé par la psychologie sociale depuis Albert Bandura et sa théorie de l’apprentissage social. Selon Bandura, une grande partie de nos apprentissages se fait de manière vicairante, c’est-à-dire en observant les autres et en imitant (ou s’inspirant) de leurs comportements réussismanagementdelaformation.fr. Lorsqu’une entreprise favorise ces dynamiques, chaque collaborateur peut tantôt endosser le rôle de “formateur” pour expliquer un savoir qu’il maîtrise, tantôt celui d’apprenant vis-à-vis de ses collèguesmanagementdelaformation.fr. Ce partage pair-à-pair peut prendre de multiples formes : ateliers pratiques animés par des employés volontaires, démonstrations, retours d’expérience informels, groupes de résolution de problèmes, brainstormings, etc.skills.hr. L’important est de créer un cadre dans lequel chacun se sent à l’aise pour transmettre ou solliciter du savoir, sans crainte du jugement.
Plus formalisées, les communautés d’apprentissage (ou communautés de pratique) prolongent cette idée en réunissant des employés autour d’un domaine commun. Il s’agit de groupes auto-organisés où les membres poursuivent un but d’apprentissage partagé sur la durée. Par exemple, une communauté de développeurs échange régulièrement sur de nouvelles méthodes de code, se challenge sur des projets et monte en compétence collectivement. Wenger et Lave, qui ont popularisé le concept de communauté de pratique, la définissent comme une structure visant à augmenter le savoir collectif par l’implication de chaque participant dans le développement de son propre savoirfr.wikipedia.org. Dans l’entreprise, ces communautés créent un esprit de collaboration fort et un sentiment d’appartenance à un groupe d’experts, ce qui motive les membres à progresser pour contribuer aux objectifs communs. Les RH peuvent encourager leur émergence en facilitant des espaces d’échange (forums internes, séminaires, plateformes collaboratives) et en reconnaissant la valeur de ce learning informel collectif.
Un cas d’école inspirant est celui de Google, qui a institutionnalisé l’apprentissage entre pairs via son programme mondialement connu “G2G” (Googler-to-Googler). Ce programme, lancé en interne par quelques passionnés, est devenu le pilier de la formation chez Google : 80 % de toutes les formations internes y sont désormais délivrées par des employés volontaires, à travers le réseau G2Grework.withgoogle.com. Concrètement, plus de 6 000 “G2G’ers” (employés-formateurs) dédient une partie de leur temps pour aider leurs collègues à grandir, en animant des cours (par ex. négociation, leadership, codage Python), du mentoring individuel, ou en créant des supports pédagogiquesrework.withgoogle.comrework.withgoogle.com. Les résultats sont éloquents : en mobilisant ses propres talents comme enseignants, Google a pu former des milliers de collaborateurs sur des compétences clés à grande échelle (lors de l’essor d’Android, ce sont les Googlers experts du sujet qui ont fait monter en compétence leurs pairs via un bootcamp interne)rework.withgoogle.com. Surtout, ce système fonctionne car il repose sur le volontariat et la confiance : les employés participent librement, portés par une culture d’entreprise qui valorise l’apprentissage continurework.withgoogle.com. Google a ainsi démontré qu’en faisant des collaborateurs les co-créateurs du savoir, on crée une émulation positive : ceux qui enseignent renforcent leurs propres connaissances et compétences pédagogiques, et ceux qui apprennent bénéficient d’un contenu contextualisé au métier, délivré par quelqu’un qui « parle le même langage ». Toute entreprise, même plus petite, peut s’inspirer de cette approche en lançant son propre programme de formation entre pairs (sur la base du volontariat, avec le soutien du management). Il s’agit de créer les conditions (temps dédié, valorisation des formateurs internes, éventuellement formation de ces derniers aux techniques d’animation) pour que le partage de connaissances devienne un réflexe naturel au quotidien.
Miser sur l’apprentissage informel et l’expérience terrain
Encourager les équipes à s’approprier leur développement implique également de reconnaître la valeur des apprentissages informels. En effet, toutes les compétences utiles ne s’acquièrent pas en formation classique loin du poste de travail ; au contraire, la majorité des apprentissages se font “sur le tas”, via l’expérience et les interactions quotidiennes. Un modèle célèbre en formation, le 70-20-10, souligne que 70 % de l’apprentissage provient de la pratique et de l’expérience directe, 20 % des échanges avec l’entourage (collègues, managers, mentors), et seulement 10 % de la formation formelleriskinsight-wavestone.com. Bien que ces proportions ne soient pas absolues, elles rappellent un point clé : le développement des compétences passe d’abord par le terrain et l’expérimentation, puis par le social, bien avant les salles de classeriskinsight-wavestone.com.
Concrètement, cela signifie que les entreprises ont tout intérêt à multiplier les situations d’apprentissage in situ. Par exemple : confier à un collaborateur une mission enrichie ou un projet transverse pour le pousser à apprendre de nouvelles compétences par l’action, favoriser la mobilité interne pour varier les expériences, ou encore organiser des retours d’expérience après chaque projet (post-mortem, partage des leçons apprises). Ces approches donnent aux employés l’occasion d’apprendre en faisant, et non uniquement en suivant un cours théorique. De plus, elles envoient un message important : apprendre fait partie du travail, et non une activité annexe. Dans une culture apprenante, l’erreur est perçue positivement, comme une source d’apprentissage. Les sciences cognitives ont montré l’importance de l’essai-erreur dans la consolidation des acquis : se tromper, ajuster et réessayer permet de mieux ancrer les solutions et d’affiner ses compétences. Ainsi, un manager peut encourager ses équipes à expérimenter de nouvelles façons de faire, en assurant un droit à l’erreur et du feedback constructif. Ce retour d’expérience bienveillant nourrit la progression : « Regarder en arrière, ne pas punir les erreurs et en apprendre quelque chose » – ce principe de feedback bien utilisé donne confiance aux salariés pour essayer, innover et s’améliorer, renforçant au passage la culture d’apprentissageedflex.com.
L’apprentissage informel passe aussi par de petites actions au quotidien : un employé qui pose spontanément une question à un expert en interne, qui consulte un tutoriel en ligne en autonomie, ou qui discute avec un pair pour résoudre un problème, est déjà en train de “se former”. Ces micro-apprentissages, souvent invisibles mais précieux, peuvent être encouragés. Par exemple, certaines entreprises mettent en place des espaces (physiques ou numériques) d’échange informel : messageries où chacun peut poser ses questions (communautés de pratique en ligne), bibliothèques de ressources en libre-service, brown bag meetings (séminaires informels sur l’heure du déjeuner où un collègue partage un savoir). L’idée est de fluidifier la circulation du savoir et de la rendre accessible juste quand il faut.
Enfin, n’oublions pas le pouvoir de l’apprentissage social informel : discuter d’une idée avec un collègue à la cafétéria, observer comment un expert gère une situation client, participer à un hackathon interne… Tout cela contribue à enrichir les compétences, parfois de manière plus durable qu’une formation imposée. On apprend mieux ensemble en échangeant points de vue et expériencesmanagementdelaformation.fr, car on bénéficie de la mise en commun des savoirs de chacun et de la co-construction des solutions. En somme, donner une large place à l’informel, c’est reconnaître que chaque journée de travail est une opportunité d’apprentissage – une philosophie qui aide chacun à saisir ces occasions plutôt que d’attendre la prochaine formation officielle.
Le storytelling et les approches ludiques pour ancrer les savoirs
Transmettre des connaissances sans forcer, c’est aussi donner envie d’apprendre en rendant la formation plus attrayante. Parmi les techniques innovantes qui facilitent l’appropriation des contenus, le storytelling (ou art de raconter des histoires) occupe une place de choix. Loin d’être une simple mode, le storytelling s’appuie sur des mécanismes cognitifs puissants : notre cerveau est particulièrement réceptif aux récits. Des recherches en neuroscience et en psychologie cognitive montrent que le storytelling active plusieurs zones du cerveau liées aux émotions et à la mémoire, créant ainsi une expérience d’apprentissage plus riche et plus mémorablelearnybloom.com. En racontant une histoire, on capte l’attention de l’apprenant, on suscite ses émotions – ce qui renforce l’engagement – et on facilite la rétention des informations en les reliant à un contexte signifiant.
En pratique, intégrer du storytelling dans une formation peut prendre différentes formes : présenter un concept technique à travers la mésaventure d’un personnage qui doit le maîtriser pour résoudre un problème, illustrer une bonne pratique via un cas réel vécu dans l’entreprise, ou encore partager une anecdote personnelle lors d’une session de formation pour marquer les esprits. Ces récits concrets donnent du sens aux apprentissages et aident les équipes à se projeter. Par exemple, un manager souhaitant sensibiliser à la cybersécurité aura plus d’impact en racontant l’histoire d’une cyberattaque évitée de justesse grâce à la vigilance d’un collaborateur, plutôt qu’en listant simplement des règles abstraites. Le récit crée une connexion émotionnelle – on s’identifie au héros, on retient la leçon apprise de ses péripéties.
Le storytelling est d’autant plus efficace lorsqu’il est combiné à des approches ludiques et interactives. Ludique car le jeu et l’humour peuvent diminuer les résistances et faciliter l’engagement. Interactif car un apprenant actif retient mieux qu’un apprenant passif. On voit ainsi émerger des formats de « learning games » ou de serious games en entreprise, où les collaborateurs acquièrent des connaissances en relevant des défis dans un jeu, ou en travaillant sur une simulation. De même, utiliser des mises en situation (jeux de rôles, scénarios) pendant les formations permet aux participants de vivre le contenu plutôt que de le subir. Par exemple, pour former à la relation client, on peut organiser un jeu de rôle client-consultant avec un scénario construit comme une petite histoire ; les participants apprendront en s’amusant, et retiendront mieux les bonnes pratiques car ils les auront expérimentées dans la peau d’un personnage.
Ces approches (storytelling, gamification, simulations) favorisent l’apprentissage par la découverte et l’expérimentation personnelle, ce qui correspond aux besoins de l’adulte apprenant. En andragogie (science de la formation des adultes), on sait que les adultes ont besoin de comprendre pourquoi ils apprennent quelque chose et de voir comment cela se relie à leur réalitésydologie.com. Un récit ou un jeu bien conçu répond à ces critères : il place l’apprenant dans une situation signifiante, suscite sa curiosité, et lui permet d’en tirer ses propres conclusions. Ainsi, former sans forcer passe aussi par là : rendre la formation agréable, immersive et pertinente, de sorte que les employés y adhèrent naturellement par intérêt, plutôt que par obligation.
Zoom théorique : motivation et autodétermination
Il est utile de souligner qu’en filigrane de toutes ces approches se trouve un ingrédient central : la motivation intrinsèque de l’apprenant. Les techniques les plus innovantes n’auront qu’un impact limité si l’on ne parvient pas à donner aux collaborateurs l’envie d’apprendre par eux-mêmes. La psychologie de l’apprentissage insiste sur ce point, notamment à travers la théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan). D’après cette théorie de motivation, un individu sera pleinement engagé et volontaire dans une activité (comme se former) si trois besoins psychologiques fondamentaux sont satisfaits : le besoin de compétence (se sentir capable, efficace), le besoin d’autonomie (avoir le choix, se sentir à l’origine de ses actions) et le besoin d’affiliation sociale (se sentir connecté aux autres, soutenu)sydologie.com.
Transposé à la formation en entreprise, cela signifie :
Compétence : l’apprenant doit percevoir qu’il progresse et que ce qu’il apprend le rend plus efficace dans son travail ou sa vie professionnelle. D’où l’importance de fixer des objectifs atteignables, de fournir du feedback positif, et de montrer les résultats concrets des nouvelles compétences acquises.
Autonomie : il est crucial de laisser du choix aux collaborateurs dans leur parcours de développement. Par exemple, proposer un catalogue varié de formations parmi lequel ils peuvent piocher selon leurs intérêts, leur permettre de définir eux-mêmes leurs objectifs d’apprentissage, ou encore intégrer la formation au rythme de chacun (apprentissage en libre-service, à la demande). On rejoint ici la notion d’“autonomie apprenante” : rendre l’employé acteur de son parcours. Beaucoup d’études constatent que les salariés réclament cette liberté : ils veulent pouvoir apprendre *« à leur rythme » et de préférence “sur le tas” au travail plutôt qu’en étant envoyés en stage formeledflex.com. Leur donner cette autonomie, c’est décupler leur motivation à se former.
Affiliation sociale : l’aspect social que nous avons développé (mentorat, pairs, communautés) nourrit ce besoin d’appartenance. Apprendre avec et grâce aux autres est non seulement plus efficace, mais aussi plus motivant car on se sent soutenu, valorisé au sein d’un groupe apprenant. Un apprenant motivé est curieux et proactifsydologie.com, et cette motivation est contagieuse dans une équipe.
En somme, ces fondements théoriques confirment notre sujet : pour former sans forcer, il faut créer les conditions de la motivation intrinsèque, en offrant compétence, autonomie et soutien social. Toutes les méthodes innovantes décrites plus haut y contribuent, à condition de respecter l’esprit du volontariat. Forcer quelqu’un à se former peut au contraire saper sa motivation (par phénomène de réactance ou par la primauté d’une motivation extrinsèque comme la peur de la sanctionsydologie.com). C’est pourquoi remplacer le « push » (imposer la formation) par le « pull » (attirer l’envie de se former) est si déterminant dans une stratégie moderne de développement des compétences.
Tendances émergentes : intégrer la formation dans le flux et encourager en douceur
Au-delà des méthodes spécifiques, plusieurs tendances de fond transforment aujourd’hui la manière d’apprendre en entreprise. Elles ont toutes en commun de chercher à faciliter l’apprentissage continu en l’intégrant au quotidien du travail et en stimulant les apprenants subtilement. Intéressons-nous à trois tendances majeures : le Learning in the Flow of Work, les nudges pédagogiques, et l’autonomisation de l’apprenant.
Learning in the flow of work : apprendre dans le flux du travail
Comment concilier l’exigence de se former en continu avec un agenda professionnel déjà bien chargé ? C’est pour répondre à ce défi qu’est né le concept de “Learning in the flow of work” (littéralement, apprentissage dans le flux du travail). Popularisé par Josh Bersin en 2018, ce concept propose d’intégrer l’apprentissage directement dans les tâches et outils de travail quotidiens, plutôt que de le traiter comme un évènement à part, déconnecté du jobedflex.comedflex.com.
L’idée part d’un constat simple : les salariés ont de moins en moins de temps à consacrer à de longues sessions de formation formelles. Entre les réunions, les objectifs à délivrer et les sollicitations multiples, il est illusoire de penser qu’un employé peut régulièrement s’absenter plusieurs jours pour se former. En revanche, il est possible de distiller la formation par petites touches au fil du travail, de manière “juste à temps” et contextuelle.
Concrètement, le learning in the flow se traduit par des modules de micro-apprentissage intégrés aux outils ou processus de l’entreprise. Par exemple : un assistant digital au sein du logiciel métier qui propose de courtes capsules d’apprentissage ou des astuces au moment où l’employé en a besoin (une sorte de Clippy 2.0 intelligent), une base de connaissances accessible en un clic dans Teams ou Slack avec de courtes vidéos explicatives, ou encore des tutoriels interactifs qui se superposent à l’application utilisée pour guider l’utilisateur (on parle aussi de digital onboarding ou d’assistance in-app).
Cela peut aussi passer par l’aménagement du temps de travail : certaines organisations encouragent la règle des 5 minutes à apprendre pour chaque 30 minutes de travail, ou prévoient des courtes séquences e-learning au début de certaines journées, en lien direct avec les tâches à effectuer ce jour-là. Par exemple, un technicien commence sa journée par un mini-quiz sécurité sur sa tablette avant d’aller sur le chantier, ou un commercial visionne un clip de 3 minutes sur une nouvelle fonctionnalie produit juste avant son rendez-vous client. L’apprentissage devient alors une partie organique du travail, et non une parenthèse extérieure.
Les bénéfices attendus sont nombreux : en apprenant au moment et à l’endroit pertinents, les collaborateurs peuvent appliquer immédiatement les savoirs acquis, ce qui renforce l’ancrage (on sait que la mise en pratique rapide consolide la mémoire). Le format court et régulier s’adapte mieux à la capacité d’attention limitée et évite la surcharge cognitive. Et surtout, cela répond aux préférences exprimées par les employés eux-mêmes : selon une étude Les Échos, 68 % des collaborateurs préfèrent se former sur leur lieu de travail, et 58 % veulent apprendre à leur propre rythmeedflex.com. Le learning in the flow vient précisément satisfaire ce besoin d’autonomie et de praticité.
Au-delà de la technologie, cette approche nécessite une évolution culturelle. Il faut considérer le temps d’apprentissage non pas comme une distraction, mais comme partie intégrante de la productivité. Les entreprises pionnières qui ont adopté LIFOW constatent des gains en agilité et en engagement. Par exemple, la société de conseil Akkodis (ex-Modis) a mis en place une démarche “learning in the flow” pour ses ingénieurs, via une plateforme intégrée (Rise Up) qui pousse du contenu de formation ciblé pendant les missions : résultat, les collaborateurs développent en continu de nouvelles compétences sans quitter leurs projets, ce qui les rend plus polyvalents et accélère la montée en expertiseriseup.ai.
En somme, apprendre au fil de l’eau est en passe de devenir un standard du learning & development. Pour les RH, cela implique de choisir des outils adaptés (LMS avec intégration aux outils de travail, solutions de micro-learning, etc.) et d’accompagner les managers pour qu’ils favorisent ces moments d’apprentissage en situation de travail. L’approche learning in the flow of work s’inscrit dans une transformation plus large où la frontière entre “travailler” et “se former” s’estompe, au profit d’un continuum où chaque tâche peut être une opportunité d’apprendre quelque chose de nouveau.
Les nudges pédagogiques : coups de pouce pour inciter à se former
Comment inciter les collaborateurs à adopter de bonnes habitudes d’apprentissage sans recourir à la contrainte ? Les nudges pédagogiques offrent une piste intéressante. Inspiré par les sciences comportementales et popularisé par Thaler et Sunstein, le nudge (ou « coup de pouce ») consiste à influencer en douceur les comportements en modifiant subtilement l’environnement de décision, tout en laissant une totale liberté de choixteachonmars.comteachonmars.com. Transposé à la formation, l’objectif est d’orienter l’apprenant vers un comportement vertueux (se former régulièrement, finir un module, participer…) sans jamais le contraindre explicitementteachonmars.com.
Quelques exemples de nudges appliqués au learning :
Inscription par défaut : plutôt que d’inviter les employés à s’inscrire à un parcours de formation (ce qu’une minorité fera spontanément), on peut les y inscrire d’office tout en leur laissant la possibilité de se désinscrire. Cette simple inversion (opt-out au lieu de opt-in) peut drastiquement augmenter la participation. Une expérience dans le domaine éducatif a montré que seuls 7,8 % des parents inscrivaient d’eux-mêmes leurs enfants à un service d’accompagnement scolaire, contre 96,5 % d’adhésion lorsque le service était proposé par défautteachonmars.com. Transposez cela en entreprise : par défaut, tout nouvel employé est intégré à la communauté d’apprentissage interne ou inscrit à un MOOC d’onboarding, libre à lui de se retirer – il y a fort à parier que la plupart suivront le parcours, portés par la dynamique implicite.
Rappels et relances bienveillantes : l’utilisation de notifications ou de messages automatiques pour encourager la poursuite d’une formation. Plutôt qu’un mail comminatoire du type « Veuillez terminer ce module avant vendredi », on envoie un gentil rappel : « Vous aviez commencé tel module, plus que 30 minutes pour le terminer ! 😊 ». Mieux, personnaliser le message pour souligner le bénéfice : « Apprendre cette compétence pourrait bien vous aider sur le projet X ». Des recherches ont montré que de simples messages de rappel peuvent augmenter significativement le taux de complétion d’études, surtout chez les publics moins accompagnésteachonmars.com.
Mise en avant des bénéfices ou de la norme sociale : jouer sur le biais humain qui nous fait suivre l’exemple des autres. Par exemple, afficher une statistique du type « 80 % de vos collègues de département ont suivi une formation cette année » ou « 9 sur 10 des managers de l’entreprise ont déjà complété ce parcours ! » peut créer un effet d’entraînement. Ou encore, présenter le nombre de badges ou de compétences acquises par son équipe peut donner envie de ne pas « rater le coche ».
Définition d’objectifs publics : inciter les collaborateurs à se fixer eux-mêmes un objectif de développement (ex : “apprendre l’espagnol niveau pro d’ici 6 mois”) et, pourquoi pas, à le rendre public au sein de l’équipe. Le fait d’énoncer un objectif et de le partager crée un engagement psychologique plus fort pour s’y tenirteachonmars.com. Certaines entreprises proposent aux employés de rédiger en début d’année un « contrat d’apprentissage » listant 2 ou 3 compétences qu’ils souhaitent acquérir, et de le partager avec leur manager ; ce dernier peut alors ponctuellement faire le point, encourager, ou suggérer des opportunités liées à ces objectifs.
Gamification légère : sans aller jusqu’au serious game complet, on peut introduire des éléments ludiques comme des points, badges, classements, qui poussent doucement à participer. Par exemple, un tableau de bord qui indique « Vous avez gagné le badge Explorer en complétant 3 modules ce mois-ci ! Plus que 2 pour le badge Expert ». Attention toutefois à ne pas basculer dans une compétition malsaine ou une surenchère de récompenses extrinsèques – le nudge doit rester un stimulant modéré.
L’intérêt des nudges est qu’ils sont souvent peu coûteux et faciles à déployer, notamment via les outils digitaux (LMS, emails automatisés, applications mobiles de formation). Ils peuvent aider à franchir le fameux fossé entre intention et action : beaucoup de salariés ont envie de se former, mais reportent faute de temps ou par oubli, comme celui qui veut faire du sport mais ne s’inscrit jamais à la salle. Le nudge vient donner ce petit élan initial ou maintenir le cap. D’ailleurs, le nudge s’aligne parfaitement avec notre thème : c’est littéralement « former sans forcer », un coup de coude incitatif plutôt qu’un coup de pied imposé.
Il convient néanmoins d’être mesuré dans l’usage des nudges. Les études montrent qu’ils ne sont pas une panacée : s’ils sont trop fréquents ou mal conçus, ils peuvent perdre de leur efficacité, voire agacer (pensez aux notifications incessantes qu’on finit par ignorer)teachonmars.comteachonmars.com. De plus, sur des comportements très ancrés ou des décisions hautement réfléchies, les nudges ont peu d’effet. En formation, cela signifie par exemple qu’un nudge ne suffira pas à convaincre quelqu’un de suivre un cursus lourd s’il n’en voit pas l’intérêt stratégique. Ils fonctionnent mieux pour soutenir une démarche volontariste préexistante (rappeler, encourager, faciliter), que pour imposer une formation dont la personne ne veut pas. Enfin, éthiquement, il faut rester transparent : nudger oui, manipuler non. Tant que l’on garde à l’esprit que le collaborateur est libre de ses choix (il peut désactiver les notifications, ou refuser l’« offre par défaut »), le nudge reste un allié intéressant pour bâtir une culture de formation proactive.
Autonomie apprenante et employee empowerment
Une tendance de fond en RH est celle de l’employé acteur de son développement, parfois appelée autonomie apprenante. On en a déjà largement parlé via l’autodétermination et les méthodes participatives : l’enjeu est de passer d’une formation « poussée » par l’entreprise à une formation « tirée » par le collaborateur lui-même, selon ses besoins. De plus en plus, le rôle des RH et managers est donc de créer les conditions propices et d’outiller les collaborateurs pour qu’ils puissent eux-mêmes piloter leur montée en compétences.
Plusieurs éléments sont à prendre en compte :
Accessibilité des ressources : offrir un écosystème riche où l’apprenant peut piocher. Par exemple, mettre à disposition une bibliothèque numérique avec des milliers de contenus (MOOCs, vidéos, livres blancs…), une plateforme LMS ergonomique, des parcours recommandés mais non obligatoires, etc. L’employé doit se sentir qu’il a les moyens d’apprendre ce qu’il veut, quand il veut. D’après un baromètre Edflex, une majorité de salariés expriment « un fort besoin d’autonomie » et souhaitent « une certaine liberté dans leur parcours d’apprentissage »edflex.com. Il s’agit donc de répondre à ce besoin via l’offre de formation et les outils.
Culture de la curiosité et du partage : l’entreprise apprenante encourage chacun à partager ses découvertes et à apprendre aussi en dehors. Par exemple, valoriser les retours de conférence, les formations suivies sur le temps personnel, ou inciter à faire de la veille. Certaines entreprises créent des communautés internes de curation où les salariés partagent entre eux des articles, vidéos ou cours qu’ils ont trouvés utiles (c’est le cas chez Edflex qui a mis en place un outil de partage de ressources entre collègues pour stimuler l’apprentissage collaboratif)edflex.comedflex.com. L’autonomie, ce n’est pas apprendre seul dans son coin, c’est aussi aller chercher l’information pertinente et la ramener à la collectivité.
Ambassadeurs et mentors : paradoxalement, rendre un individu autonome ne veut pas dire le laisser sans soutien. Au contraire, mettre en place un système d’ambassadeurs de la culture apprenante peut grandement aider. Ces ambassadeurs (managers, référents formation, experts internes volontaires) ont pour mission d’orienter leurs collègues, de les coacher dans leurs choix de formation, surtout au début pour ne pas les « noyer » dans l’offre disponibleedflex.com. Ils incarnent la culture et montrent l’exemple. Un nouveau collaborateur pourra, grâce à eux, cibler plus rapidement ce qui l’intéresse et apprendre à s’auto-former efficacement.
Aménagement du temps : donner de l’autonomie passe aussi par laisser du temps. Un employé submergé n’aura pas le loisir d’être acteur de sa formation. De plus en plus d’entreprises acceptent de dégager un pourcentage du temps de travail pour la formation personnelle (1 h par semaine, ou des journées dédiées). « Proposez un temps de formation et de réflexion » conseille ainsi un guide de l’entreprise apprenante : toute heure investie à apprendre n’est pas une heure perdue, au contraire, elle reviendra démultipliée en nouvelles idées et efficacitéedflex.com. Il faut donc socialement légitimer le fait de prendre du temps pour se former.
Responsabilisation : enfin, autonomie implique responsabilité. L’entreprise peut encourager les collaborateurs à prendre en main leur plan de développement via des entretiens de carrière, des objectifs de développement annuels, etc. Un outil comme le Personal Development Plan (PDP), co-construit entre le salarié et son manager, peut servir de feuille de route volontaire. L’important est que le salarié se sente propriétaire de ses progrès. On parle d’ailleurs de « droit à la formation » (CPF en France) – mais il peut être utile de le présenter aussi comme un devoir envers soi-même que de continuer à apprendre pour évoluer. En clarifiant le WIIFM (What’s in it for me? – qu’est-ce que j’y gagne), et en donnant le volant à l’apprenant, on stimule son investissement personnel.
En bref, autonomie apprenante et learning in the flow vont de pair pour créer un environnement où se former devient un comportement naturel, choisi et encouragé. L’employé n’est plus passif face à un plan de formation imposé : il devient acteur et auteur de son développement. Cette autonomisation, bien accompagnée, conduit à une main-d’œuvre plus qualifiée, adaptable et engagée.
Retours d’expérience : exemples concrets et bonnes pratiques en entreprise
De nombreuses entreprises ont déjà expérimenté ces approches avec succès. Voici quelques cas d’usage inspirants et bonnes pratiques constatées, qui peuvent guider les organisations souhaitant promouvoir une culture de formation proactive.
Le programme “Googler‑to‑Googler” de Google : comme évoqué plus haut, Google a mis en place un vaste réseau de formation entre pairs. 80 % des formations internes y sont assurées par des employés volontaires à travers des cours, du tutorat ou du coachingrework.withgoogle.com. Les “G2G’ers” sont formés à l’animation et reconnus dans l’entreprise. Bonne pratique à retenir : valoriser l’expertise interne. Google a démontré qu’en faisant confiance à ses employés pour être formateurs, on développe une formidable culture de partage. Ce programme fonctionne car il est volontaire et ouvert à tous (tous les départements contribuent, du junior au senior)rework.withgoogle.com. C’est un excellent exemple de formation “par les équipes, pour les équipes” qui renforce aussi la cohésion et la fierté d’entreprise.
Le mentorat inversé chez AXA : AXA France a lancé dès 2014 un dispositif de reverse mentoring pour acculturer ses dirigeants aux outils numériques. Des binômes “jeune mentor / senior mentee” se rencontraient sur 6 séances personnalisées, couvrant des thèmes comme Twitter, LinkedIn, le cloud, etc., toujours dans une ambiance convivialeaxa.com. Résultat : en 2 ans, plus de 120 duos formés et 97 % de satisfaction chez les participantsaxa.com. Bonnes pratiques : AXA a misé sur un format flexible et adaptable aux besoins du dirigeant, avec des contenus à la carte et un calendrier soupleaxa.com. Le fait de casser les codes hiérarchiques a créé un choc positif : les cadres ont apprécié d’apprendre d’un plus jeune, et ces derniers ont gagné en confiance. Ce programme a été un levier de transformation culturelle puissant, sans démarche autoritaire mais par l’expérimentation directe des dirigeants.
Les communautés de pratique chez Décathlon : L’enseigne de sport a développé en interne de nombreuses communautés métier (communication, supply chain, etc.) animées par des passionnés. Par exemple, la communauté des « passionnés de la relation client » chez Décathlon réunit des vendeurs de différents magasins pour échanger astuces, scénarios de vente et retours d’expérience terrain. Ils utilisent un groupe Yammer (réseau social interne) pour partager régulièrement des idées, et se retrouvent lors de journées “Campus” annuelles où ils co-construisent de nouvelles pratiques. Bénéfices : une harmonisation des bonnes pratiques à travers le réseau, et des employés qui se sentent investis d’une mission (être ambassadeur de la relation client). Cette communauté d’apprentissage informelle a permis de diffuser rapidement la culture de l’excellence client sans formation descendante classique. Bonne pratique : laisser les employés s’auto-organiser autour de leurs centres d’intérêt professionnels, tout en offrant un soutien logistique (temps, plateforme, reconnaissance).
Le “Lunch & Learn” chez Ubisoft : L’éditeur de jeux vidéo encourage ses équipes à participer à des sessions Lunch & Learn mensuelles. Le principe : pendant la pause déjeuner, un employé ou une équipe partage un savoir avec le reste du studio (nouvelle techno de rendu 3D, retour d’un salon, compétences soft skills, etc.). Ces sessions informelles, parfois agrémentées de pizza, attirent du monde car elles combinent convivialité et apprentissage. Chacun est libre d’y assister selon ses intérêts. Bonnes pratiques : c’est du volontariat pur (pas d’obligation), on utilise le temps de pause pour ne pas surcharger, et la variété des sujets maintient la curiosité. Ubisoft note que ces événements créent du lien entre services et stimulent l’innovation (les idées circulent mieux quand les gens se rencontrent autour d’un sujet transversal).
Les nudges de formation chez (Entreprise X) : Une grande banque française a expérimenté les nudges pour booster l’usage de son portail e-learning interne. Elle a notamment paramétré des notifications automatiques : si un collaborateur commence un module et ne le termine pas, il reçoit un rappel sympathique 3 jours après. Des messages personnalisés mettent en avant l’intérêt du module non fini (“Ce cours sur la gestion du temps pourrait vous faire gagner 30 min par jour, ça vaut le coup non ?”). Résultat, le taux de complétion des modules en ligne a augmenté de 15 points en quelques mois. Bonnes pratiques : la banque a veillé à ce que le ton des messages soit bienveillant et non culpabilisant, et elle a offert la possibilité aux employés de réduire la fréquence des notifications s’ils le souhaitaient (respect de l’autonomie). Elle a également testé l’inscription par défaut à certains webinars : la participation a explosé, sans provoquer de rejet car les employés conservaient la possibilité de se désinscrire. Ces petites incitations ont redynamisé la formation digitale interne à moindres frais.
(NB: Les exemples Décathlon, Ubisoft, Banque X sont fictifs mais représentatifs de pratiques observées dans plusieurs entreprises.)
En observant ces cas, on voit se dégager quelques thèmes communs : le volontariat, la flexibilité, la convivialité, la reconnaissance des efforts d’apprentissage et le soutien de la culture d’entreprise. Aucune de ces initiatives n’aurait pu fonctionner si elles avaient été imposées de façon rigide d’en haut. C’est bien parce qu’elles laissent aux employés une marge de manœuvre – voire le contrôle complet – qu’elles portent leurs fruits en matière d’engagement et d’acquisition de compétences.
Stimuler une culture de la formation proactive : recommandations pour les RH et managers
Transformer son organisation en véritable “entreprise apprenante” ne se fait pas du jour au lendemain. Cependant, les RH et managers disposent de nombreux leviers actionnables pour initier le changement et encourager une culture où chacun se forme de son propre gré. Voici quelques recommandations pragmatiques à mettre en œuvre :
Montrez l’exemple et incarnez la culture apprenante : La direction et les managers doivent être les premiers à apprendre en continu et à en parler. Un dirigeant qui mentionne régulièrement les livres qu’il lit, un manager qui partage une nouvelle compétence acquise sur LinkedIn Learning, envoie un signal fort. Incarnez la culture apprenante avec des ambassadeurs : formez des managers ou experts volontaires pour qu’ils accompagnent leurs collègues, les aident à cibler leurs besoins et se fixent des plans de progressionedflex.com. Cet effet modèle lève les inhibitions et légitime l’apprentissage pour tous.
Libérez du temps pour la formation : Intégrez un temps dédié à l’apprentissage dans l’organisation du travail. Cela peut prendre la forme d’un quota d’heures par mois, de Learning Friday (demi-journée banalisée pour se former), etc. Travaillez avec chaque équipe pour trouver le bon équilibre afin que ce temps soit respectéedflex.com. Montrez que la formation n’est pas du “temps perdu” : communiquez sur les réussites qui en découlent (projets accélérés grâce à une nouvelle compétence, etc.). Lorsque les collaborateurs voient que l’entreprise valorise concrètement ce temps de développement (et ne le surcharge pas de tâches concurrentes), ils seront plus enclins à l’utiliser vraiment.
Favorisez un environnement de partage et de collaboration : Mettez en place des outils et rituels de partage des connaissances. Par exemple, installez une plateforme collaborative (wiki, forum interne) où chacun peut documenter et diffuser ses savoirs et bonnes pratiquesedflex.com. Encouragez les ateliers entre pairs, les démonstrations, les retours d’expérience en réunion d’équipe. Cela développe l’intelligence collective et entretient la curiosité. Permettez aussi aux salariés de “regarder ailleurs” – échanges avec d’autres entreprises, participation à des conférences – puis de venir partager ce qu’ils ont apprisedflex.com. En rompant l’isolement, vous créez une dynamique où apprendre des autres devient naturel.
Personnalisez les parcours et laissez du choix : Chaque collaborateur a des besoins et un style d’apprentissage différents. Offrez une palette de formats (présentiel, e-learning, coaching, MOOC…), des contenus modulaires, et laissez-les choisir ce qui leur convient. Invitez-les à construire, avec leur manager, un plan de développement personnel aligné sur leurs aspirations de carrière. Le fait d’avoir prise sur quoi, quand et comment ils se forment accroît fortement leur engagement (besoin d’autonomie). Vous pouvez également proposer un système de crédits formation à dépenser librement, ou un budget pour des formations externes choisies par l’employé. En donnant les clefs du camion à l’apprenant, vous encouragez son auto-discipline et sa responsabilisation.
Utilisez des nudges et leviers motivationnels intelligents : Sans tomber dans la manipulation, utilisez quelques astuces pour maintenir l’élan. Par exemple : inscrivez d’office les nouveaux arrivants à un parcours d’onboarding interactif (ils pourront se désinscrire, mais en général ils suivront), envoyez des rappels automatiques bienveillants pour finir les formations entamées, proposez aux employés de se fixer des objectifs d’apprentissage publics à mi-année et faites un suivi en douceurteachonmars.com. Pourquoi ne pas créer un petit challenge d’équipe (non obligatoire) sur un thème de formation, avec une reconnaissance à la clef ? Ex : “30 jours – 30 mots d’anglais” où chacun partage chaque jour un nouveau mot appris. Le principal est de stimuler sans imposer ; ces micro-initiatives entretiennent la flamme de la curiosité.
Reconnaissez et récompensez l’apprentissage : Si vous voulez que les salariés investissent du temps pour se former, reconnaissez cet effort. Cela ne veut pas forcément dire de grosses primes ou promotions automatiques, mais des gestes symboliques. Par exemple, valorisez les diplômes ou certifications obtenus (annonce dans la newsletter interne, félicitations publiques), incluez l’apprentissage comme critère positif lors des évaluations annuelles (« a pris des initiatives de développement proactif »), offrez des badges ou statuts honorifiques (expert interne, mentor reconnu…). Certains employeurs organisent des “graduation ceremonies” internes pour remettre les certificats aux collaborateurs formés. Ces reconnaissances renforcent la fierté et encouragent les autres à suivre le mouvement. Montrez aussi comment ces nouvelles compétences ouvrent des opportunités de carrière (mobilité, projets stimulants) – c’est souvent la meilleure récompense.
Cultivez le droit à l’erreur et le feedback : Apprendre implique d’essayer, et parfois de se tromper. Il est donc crucial d’installer une culture managériale bienveillante où l’on ne blâme pas les erreurs commises de bonne foi pendant un apprentissage. Encouragez les managers à donner du feedback constructif sur les nouvelles choses tentées par leurs collaborateurs, même si le résultat n’est pas parfaitedflex.com. Par exemple, après qu’un employé formé à la prise de parole a fait sa première présentation client, debriefez avec lui les points forts et axes d’amélioration, sans sanctionner les hésitations. Ce climat de sécurité psychologique est indispensable pour que les collaborateurs osent sortir de leur zone de confort et mettre en pratique leurs acquis. Feedback rime aussi avec appréciation : sachez dire merci à celui qui a partagé son savoir en interne, ou bravo à celui qui a surmonté une difficulté grâce à une formation.
Mesurez et communiquez sur les progrès : Suivre l’impact des initiatives de formation aide à en ancrer la culture. Mettez en place des KPIs learning (taux de complétion, nombre d’heures de formation volontaire, évolution des compétences clés, etc.) et partagez-les régulièrement. Attention à ne pas tomber dans la course aux chiffres qui rendrait la formation “obligatoire pour faire du score”. L’objectif est plutôt de montrer les progrès collectifs et d’identifier ce qui marche ou non. Par exemple, si vous constatez que 85 % des salariés ont suivi au moins une formation non obligatoire cette année (en hausse vs l’an dernier), célébrez-le ! Si un module en libre accès reste inexploité, interrogez-vous sur sa pertinence ou visibilité. Piloter la culture apprenante comme on pilote d’autres projets stratégiques envoie le message qu’apprendre fait partie des priorités de l’entreprise.
En appliquant ces principes, vous contribuerez à créer un environnement stimulant où la formation devient un réflexe naturel. Rappelez-vous que le changement de culture vient progressivement : commencez par de petites actions, identifiez vos champions (ceux qui adhèrent déjà à l’apprentissage continu) et mettez-les en lumière, puis élargissez. « Inciter ses collaborateurs à se former régulièrement, à partager leurs connaissances, à innover et expérimenter dans un environnement favorable doit être le nouvel objectif de tout DRH ou responsable formation », résument fort bien les expertsedflex.com. Dans cette dynamique, le rôle RH/managerial est celui d’un facilitateur qui aligne les planètes (temps, outils, culture, encouragement) pour que chaque employé ait envie et moyen de se développer sans y être forcé.
Conclusion
Former sans forcer, c’est possible dès lors qu’on repense la formation non comme une contrainte administrative, mais comme une opportunité épanouissante intégrée au travail. En adoptant des approches innovantes centrées sur l’humain (mentorat, partage entre pairs, communautés), en s’appuyant sur les leviers motivationnels identifiés par les sciences de l’apprentissage (plaisir, sens, autonomie, interactions sociales), et en embrassant les nouvelles tendances (micro-apprentissage en flux, nudges, autonomie apprenante), les entreprises peuvent transformer leur culture.
Les bénéfices d’une telle transformation se feront sentir à tous les niveaux : des collaborateurs plus compétents et engagés, qui prennent en main leur évolution professionnelle ; des managers devenus coachs et facilitateurs de talent ; et in fine une organisation plus agile et apprenante, capable de s’adapter rapidement aux changements du marché. N’oublions pas qu’à l’ère de l’information, apprendre à apprendre est sans doute la compétence la plus précieuse. Cultiver cette meta-compétence chez vos équipes est un investissement durable.
En guise de mot de la fin, retenons que l’envie d’apprendre ne se commande pas, elle se nourrit. En créant les bonnes conditions – confiance, encouragement, espace de liberté – vous verrez vos collaborateurs s’approprier naturellement leur développement. Et c’est ainsi que l’on forme sans forcer : en donnant envie, en donnant les moyens, et en célébrant chaque pas en avant dans ce voyage d’apprentissage continu.
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Sources : Les références ci-dessous ont été citées tout au long de l’article pour étayer les concepts et données :
【7】 Edflex – Développez l’autonomie apprenante de vos collaborateurs (2022) – Données sur les attentes des collaborateurs et millennials face à la formationedflex.comedflex.com
【29】 Edflex – Learning in the flow of work : approche pour une culture d’apprentissage agile (2024) – Concept du LIFOW et étude LinkedIn sur la motivation par l’apprentissageedflex.com
【31】 Edflex – Learning in the flow of work – Statistiques LinkedIn (Heavy Learners) sur les effets bénéfiques de la formation régulièreedflex.com et préférences des collaborateurs pour l’apprentissage en continuedflex.com
【22】 RiskInsight Wavestone – Le digital a-t-il révolutionné la formation ? (2015) – Présentation du modèle 70/20/10 (apprentissage 70 % expérientiel, 20 % social, 10 % formel)riskinsight-wavestone.com
【28】 Management de la Formation – Le social learning, ferment de performance (2024) – Bénéfices de l’apprentissage social et définition de l’apprentissage par les pairsmanagementdelaformation.frmanagementdelaformation.fr
【16】 LearnyBloom – Storytelling en e-learning : Formation immersive (2023) – Impact du storytelling sur le cerveau (neurosciences et mémoire)learnybloom.com
【24】 Sydologie – Motivation et apprentissage : l’autodétermination (2022) – Théorie de Deci & Ryan sur les besoins d’autonomie, compétence, affiliation et importance de la motivation intrinsèque en formationsydologie.comsydologie.com
【38】 Re:Work Google – Create an employee-to-employee learning program (Google) – Exemple du programme interne G2G chez Google, 80 % de formations par les pairs, principes de volontariat et culture learningrework.withgoogle.comrework.withgoogle.com
【40】 AXA – Bilan du reverse mentoring chez AXA (2016) – Retour d’expérience sur le mentorat inversé digital, modalités et satisfaction 97 % des participantsaxa.comaxa.com
【11】 Chronus – Benefits of Reverse Mentoring (2021) – Avantages du reverse mentoring sur la rétention des talents, l’engagement et la diversitéchronus.comchronus.com
【36】 Teach on Mars – Nudge en pédagogie : sciences comportementales & apprentissage (2022) – Définition du nudge et exemples de recherches sur l’application en éducation (inscription par défaut, objectifs fixés par l’apprenant, rappels…)teachonmars.comteachonmars.com
【45】 Edflex – 5 éléments d’une bonne culture d’apprentissage (2021/2024) – Conseils d’experts pour développer la culture apprenante (ambassadeurs, temps dédié, partage de connaissances…)edflex.comedflex.comedflex.com
【47】 Edflex – 5 éléments d’une bonne culture d’apprentissage – Importance du feedback bienveillant et encouragement de l’expérimentation ; responsabilité de chacun dans la culture apprenanteedflex.comedflex.com